
Troisième volet de la saga de Christopher Nolan, The Dark Knight Rises est sûrement l’un des films les plus attendus de toute l’histoire du cinéma. Depuis maintenant quatre ans, tous les fans de Batman tremblent d’impatience à l’idée d’un final légendaire, tandis que le phénomène n’a fait que s’intensifier ces dernières semaines sur la planète entière. Mais la conclusion de la trilogie est-elle vraiment le chef d’oeuvre tant espéré ? Réponse ici et maintenant (avec quelques spoilers).
- Christopher Nolan : why so serious ?
Christopher Nolan n’est pas un grand metteur en scène, mais un grand scénariste. Cela s’est ressenti dans la quasi-totalité de ses films (The Dark Knight, Inception, Memento), où la mise en scène, loin d’inspirer l’admiration, faisait place à un scénario brillant laissant exploser une puissance cinématographique indiscutable. Malheureusement, le génie semble avoir ses limites, car l’écriture des frères Nolan et de David S. Goyer pour The Dark Knight Rises se trouve être aussi moyenne que la mise en images. Dans des séquences qui s’enchaînent sans grande continuité, le scénario démontre un véritable problème de gestion du temps et s’étale dans des bavardages interminables. Question concept, le film ne fait que survoler celui qu’il a choisi (la crise économique), simplement pour s’ancrer dans une réalité alternative et pour feindre une intelligence qui n’était pourtant plus à prouver. Ce discours pompeux et idéologiste n’est rattrappé en rien par la réalisation, qui accumule scènes d’action mal filmées, combats maladroitement chorégraphiés et retournements de situation en toc. Le film était pourtant bien engagé, emboîtant les évènements avec brio, mais donne vite l’impression d’assister à la représentation d’un vaste brouillon et celle, plus douloureuse, d’être les spectateurs du véritable premier faux-pas du cinéaste.
The Dark Knight Rises signe le grand retour de Christian Bale, Morgan Freeman, Michael Caine et Gary Oldman réunis, tous de grandes figures reconnues et incontournables du cinéma hollywoodien. S’ajoutent à eux, Anne Hathaway en Catwoman, Tom Hardy, Joseph Gordon-Levitt en futur Robin et Marion Cotillard. Déjà présent dans Inception, Joseph Gordon-Levitt n’a pas fini de faire parler de lui. Sans déplacer des montagnes, il s’impose doucement mais sûrement, même si son personnage ne sert certainement qu’à introduire une saga dérivée (Robin Begins en préparation ?). Quant à Anne Hathaway, son pari d’incarner Catwoman était loin d’être gagné. En effet, le choix de l’actrice pour incarner la plus féline des héroïnes a été accueilli avec beaucoup de scepticisme. Pourtant, l’interprète de Selina Kyle tire son épingle du jeu, et, tout en donnant une réelle dimension à son personnage dont elle a entièrement pris l’attitude, affirme une toute nouvelle crédibilité d’actrice et s’offre tout bonnement le meilleur rôle du film. Ce qui est bien loin d’être le cas de notre actrice française « adorée ».
Passons aux choses fâcheuses. Rappelons-le, Marion Cotillard est une des seules actrices françaises à avoir survécu au système dévastateur du cinéma américain. Après avoir tourné pour quelques grands réalisateurs tels que Ridley Scott, Michael Mann, Rob Marshall, Woody Allen et Steven Soderbergh (rien que ça !), la revoilà aux côtés de Christopher Nolan, dans le rôle de Miranda Tate. Si elle n’a rien à se reprocher sur la première partie du film, bien que livrant un jeu quasi-inexistant, elle se révèle vite exaspérante, autant en version originale que dans son propre doublage, jusqu’à provoquer l’hilarité du public dans un dernier souffle inénarrable. En ce qui concerne Tom Hardy, loin d’être mauvais acteur, il faut bien avouer qu’il n’a pas choisi le rôle le plus aisé à interpréter. Caché derrière un masque où il est difficile d’exister en tant qu’acteur, il incarne Bane, impressionnante masse de muscles et ennemi bourrin bien moins fascinant que celui du Joker. Dans une performance honorable et périlleuse, il ne parvient malheureusement pas à nous faire oublier celle du regretté Heath Ledger.
- Wally Pfister et Hans Zimmer, les hommes de l’ombre.
L’un est directeur de la photographie, l’autre est compositeur. Ces deux grands messieurs ont longtemps contribué à la grandeur des films de Christopher Nolan. Oscarisé pour Inception en 2011, Wally Pfister est devenu un grand nom parmi les chefs opérateurs actuels. Fidèle au poste depuis Memento, il signe ici une nouvelle collaboration avec Nolan, et peut-être sa dernière, ayant annoncé vouloir se consacrer à une carrière de réalisateur. Mais en attendant, Pfister fait des merveilles. Dans une première séquence décoiffante, il annonce la couleur dès le départ. Avec une photographie rappelant le Metropolis de Fritz Lang, il atteint des sommets visuels en réussissant à créer une scène d’avion éventré en plein air en prise de vue réelle. Prodigieux, me diriez-vous. Certes, mais la caméra de ce bon vieux Chris semble en faire des siennes et rend tout ce spectacle assez creux. Celle-ci parait même refuser de transformer le virtuose en scène d’anthologie, en témoigne la séquence du stade s’effondrant en plein Super Bowl, impressionnante mais dénuée de magie. Hans Zimmer, quant à lui, nous a habitué à sa musique épique servant l’effroi, augmentant le suspense, forçant l’admiration. Ici, ses notes, toujours aussi puissantes mais moins subtiles, n’ont plus grand chose à servir. Tantôt magistrale, tantôt assourdissante, sa composition atteint les sommets du grandiose dans la première partie du film pour vite devenir tristement redondante par la suite. Cela n’enlève évidemment rien à son talent et nous pourrons le retrouver pour de nouvelles aventures musciales dès l’année prochaine, avec le reboot de Superman réalisé par Zack Snyder.
- La chute du Chevalier Noir.
Après son coup de maître avec The Dark Knight sorti en 2008, Christopher Nolan a su générer une attente monstre autour du dernier film de sa trilogie. Et tout le monde le sait, l’attente augmente le désir. Le réalisateur britannique devait donc se montrer à la hauteur des espérances de ses fans. Et c’est exactement ce qu’il a fait. Où sont la surprise, l’émerveillement, le frisson ? Car finalement, si The Dark Knight Rises constitue une fin en soi, que nous propose t-il, cinématographiquement parlant ? Une fresque sans âme allant decrescendo. Une réponse convenue à un cahier des charges prédéfini. Une sorte de paquet cadeau dont on connaîtrait déjà le contenu. Difficile, même pour Nolan, de passer après un Dark Knight indélébile. La question qui se pose maintenant est la suivante : le réalisateur londonnien saura t-il reconquérir les coeurs brisés des quelques fans déçus avec le scénario de Man of Steel, prévu pour 2013 ? Car si cet ultime Batman aura su convaincre une bonne partie du public, qui se souviendra de ce cirque sans vie dans dix ans ? Certes, le cinéaste referme toutes les portes de sa trilogie, mais oublie d’exploiter au maximum tout le potentiel d’une fin qui aurait pu être magistrale. Prenez garde, Monsieur Nolan, car à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire.

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